François Jacquier
Le but premier de cette sortie était de retrouver et de pointer la Grotte du Renard, un trou perdu dans les pentes abruptes du cirque de Vulvoz. La cavité fait environ 70 m de long avec des escalades et des petits puits, le tout se terminant sur un long plan d'eau profond. Nos anciens l'avaient explorée dès 1952, la génération suivante y était revenue vers 1977 et on avait même plongé le plan d'eau terminal en 1983.
Jean-Luc, à qui je propose de m'accompagner, préfère aller couper du bois mais comme il est le seul à savoir où je suis, il aura la lourde charge d'assurer la sécurité présidentielle à distance.
L'accès depuis le bas est rapidement barré par plusieurs à-pics infranchissables, il faut donc y arriver par le haut en partant depuis le hameau de Tailla en face des Bouchoux. Le point de coordonnées approximatif (celui des anciens) est rentré dans l'application GPS du Smartphone et il ne reste plus qu'à se laisser guider sur les chemins et sentiers. Arrivé sur le rebord du plateau il faut localiser un passage qui permette de descendre dans la pente escarpée. Ici plus le moindre sentier et il faut improviser un itinéraire entre quelques ressauts rocheux et des troncs énormes en équilibre instable, couchés dans la pente. Par chance le sous-bois est relativement aéré entre des hêtres majestueux et de gros troncs de buis qui fournissent autant de prises pour descendre dans cette pente abrupte.
Tout à coup j'entends nettement une voix féminine qui me dit :
- Grotte du Renard à 77 m"…
Je me retourne, cherche à droite à gauche pour dénicher l'impertinente gonzesse qui a le culot de m'interpeler et qui, en plus, connaît ma destination !... Je mets quelques longues secondes pour réaliser que c'est le GPS qui m'annonce de vive voix la distance qu'il me reste à faire…
La végétation devient plus touffue, ce qui ne facilite pas la progression, il faut souvent ramper sous les buis.
- Grotte du Renard à 72 m"…
Tout au long de la descente quelques pierres roulent et se perdent dans la pente. A un certain moment un bloc de la taille d'un ballon de foot part sous mon pied et disparaît à grand bruit dans un bosquet. Bizarrement le bruit cesse pendant quelques secondes avant un choc sourd loin en contrebas…Euh…il ne faut peut-être pas continuer par là !
Sur l'écran du GPS la falaise est bien indiquée et à priori le pointage situe la grotte à sa base. Je dois me résoudre à contourner l'à-pic sur le côté et je me faufile donc sur la gauche.
- Oh ta gueule à la fin !
Bientôt je me retrouve à la base d'une autre barre rocheuse noyée dans la végétation. Un semblant de vire permet de longer sa base vers le sud. C'est loin d'être un itinéraire touristique, on s'attendrait plutôt à voir débouler Indiana Jones avec sa machette. Un secteur où la main de l'homme n'a sans doute jamais mis les pieds !
Pourtant un peu plus loin, dans un renfoncement de la falaise je découvre une belle entrée de grotte. Je ne reconnais pas la Grotte du Renard, il s'agit donc d'autre chose. Mes espoirs retombent toutefois très vite car l'amorce de galerie est hermétiquement bouchée au bout de 4 ou 5 m seulement. Il s'agit pourtant bien d'un vestige d'une ancienne grotte, de nombreuses traces d'érosion tourbillonnaire sont là pour le prouver. (Pointage : 46° 19,356'N - 5° 48,227'E).
En poursuivant le long du pied de falaise je découvre rapidement un second renfoncement prometteur. Plusieurs cavités insignifiantes s'alignent le long d'une ligne de fracture verticale. Par contre, 10 m plus haut on voit nettement une plateforme avec un gros bloc qui masque en partie un orifice sombre. Autre facteur encourageant : un petit pissou s'écoule le long de la roche en provenance de cette plateforme. L'escalade n'est pas très haute mais nécessite un sérieux matériel, de plus la roche semble passablement pourrie.
En me reculant dans la pente pour faire une photo, je suis intrigué par quelques tessons de verre et déchets métalliques qui jonchent la pente. Je ne tarde pas de réaliser que je suis dans une ancienne décharge. Un pot de "Graisse à traire" me donne d'ailleurs peu de doute sur l'activité du coupable !
Pas très sympa de trouver tout ça ici, mais ça a au moins l'avantage de m'indiquer qu'un accès aisé doit exister par le haut. Il est donc envisageable de localiser l'aplomb et de revenir avec une corde afin de vérifier si cette mystérieuse zone d'ombre est bien un orifice digne de ce nom. (Pointage : 46° 19,346'N - 5° 48,219'E).
Le passage le long de l'à-pic semble encore se poursuivre mais le côté scabreux de la progression monte encore d'un cran et il faut envisager de faire demi-tour pour rester sérieux. La remontée vers le sommet n'est pas des plus simples, je ne suis plus sur mon itinéraire de descente et par deux fois il me faut escalader des petits escarpements envahis de troncs instables. Pas trop rassurant tout ça !
Plus je monte, plus le ciel bleu gagne en présence au-dessus de moi et je finis par prendre pied sur le plateau. Je m'affale dans les feuilles mortes en vidant le reste de ma gourde tout en contemplant à travers le vert tendre des feuilles le village de Vulvoz qui s'étire loin en contrebas, le tout bercé par le chant d'un coucou et les tintements lointains d'un troupeau. Rêveries d'un promeneur solitaire !
L'opération "Grotte du Renard" est un échec, il faudra donc revenir en essayant de redescendre encore d'un étage dans cette suite d'escarpements. Il faudra également revenir pour localiser le sommet de la faille avec son trou noir et tenter une descente sur corde.