Situation et accès

La Baume de la Fraite

Commune: Thoiria
Canton: Clairvaux -lès-Lacs
X: 860,56 Y: 175,060 Z: 510m

À l’entrée sud du village de Thoiria, prendre la direction du Moulin de la Fraite sur 1,5 km. Arrivé au bas d’une descente en lacets, un chemin blanc part sur la gauche et contourne une maison

d’habitation. Le suivre sur 500 m jusqu’à croiser un ruisseau et trouver un ancien moulin rénové. Il suffit alors de remonter le cours d’eau sur une trentaine de mètres pour découvrir la grotte.

Description

Développement : 706 m topographiés
Dénivellation : +5 m environ

La Baume de la Fraite débute par une vaste entrée d’où s’écoule un ruisseau permanent, son débit varie de 20 l/s à 500 l/s environ en fonction des intempéries. Ce porche de 15 m de large pour 3 de haut se prolonge ainsi sur une quarantaine de mètres avant de s’abaisser brusquement pour former un laminoir inondé. Le ruisseau permanent quant à lui jaillit d’une source impénétrable à quelques mètres seulement de l’entrée sur la droite.

La Baume de la Fraite - l'entrée

L’exploration se poursuit donc obligatoirement par le laminoir. Après une cinquantaine de mètres, cette zone aquatique surbaissée (4 m de large pour 0.6 m de haut en moyenne) débouche brusquement dans une belle galerie active. Ce conduit se poursuit vers l’amont en conservant des dimensions respectables (6 à 8 m de large pour 2 à 3 m de haut).

Baume de la Fraite - L'effondrement

À plusieurs reprises, la progression est ralentie, d’abord par un court ramping dans des galets à 210 m de l’entrée, puis à plusieurs reprises par des effondrements de blocs facilement franchissables.
À 330 m de l’entrée, un de ces effondrements forme toutefois un obstacle plus conséquent. La galerie est obstruée sur toute sa largeur par un ensemble de gros blocs soudés entre eux par des coulées de concrétions. Sur une trentaine de mètres le cheminement s’effectue dans un labyrinthe complexe en cherchant le bon itinéraire à travers des blocs cyclopéens. On aboutit finalement au sommet d’un ressaut de 3 m où la galerie reprend ses dimensions initiales. On retrouve également la rivière qui, précédemment, s’écoulait invisible sous les blocs effondrés. La grotte se prolonge ainsi vers le nord sur une centaine de mètres avant de se diviser en deux branches.

  • Sur la droite (branche Est) un laminoir jonché de graviers (3 m de large pour 0,6 de haut) constitue l’arrivée principale du cours d’eau. Cette branche active, longue de 180 m se termine sur une fissure étroite dans le sol de la galerie qui constitue la source du ruisseau. LA galerie se prolonge encore un peu par un boyau sec qui devient rapidement impénétrable. Dans les 60 premiers mètres de cette branche surbaissée, deux passages bas sur la gauche donnent accès à une vaste salle sèche surélevée de 20 m de long et 10 de large sans prolongement.
  • À gauche (branche Ouest) un conduit semi-fossile prolonge l’axe principal en conservant sensiblement les mêmes proportions. Après une soixantaine de mètres il vient buter sur une importante trémie en partie concrétionnée. Il est encore possible de progresser en se faufilant entre les blocs sur une soixantaine de mètres. Plusieurs étroitures sévères et passages en voûtes mouillantes jalonnent cette portion. Un laminoir bas en inter strates partiellement noyé marque actuellement le terminus des explorations.

Historiques des explorations

Vu la proximité de la vallée de l’Ain, axe principal de pénétration humaine aux époques préhistoriques, il est très probable que le magnifique abri que constitue le porche de la grotte ait pu servir de refuge à ces époques. A notre connaissance, aucune fouille sérieuse n’y a été effectuée, mais rappelons qu’à quelques distance, la grotte de la Touvière a livré de nombreux tessons de poteries datées du Bronze Final tout en étant beaucoup moins accueillante.
Dans un passé plus récent, le ruisseau de la Fraite actionnait plusieurs moulins à grains dont l’un s’élève encore en contrebas de la cavité. Ce dernier était encore utilisé pour un élevage de truites jusque à la fin des années 1980.
La première incursion spéléologique connue remonte à 1948. Cette année là, le Groupe Spéléologique Jurassien (GSJ) explore les 330 premiers mètres de la grotte en deux expéditions les 25 juillet et 17 octobre 1948. La zone d’effondrement marque alors la fin des explorations. L’année suivante (1949) le même club franchit cette zone de blocs et progresse jusqu’à l’extrémité de la galerie de gauche. Le laminoir de la rivière quant à lui sera visité en partie le 3 juillet 1950.
L’exploration sera achevée lors d’un camp spéléo, du 12 au 15 août 1951. Le G.S.J pensait alors avoir parcouru 2000 m de galeries. Notons qu’à cette époque la progression dans l’eau s’effectuait à l’aide d’un canot pneumatique et qu’un important stock de vivre et d’éclairage avait été déposé dans la salle à gauche du laminoir terminal. Autres temps, autres moeurs…
Une topographie du même G.S.J est levée sans doute en 1953 par messieurs Ballan, Besson, Coulois, Chevassus, Métrat, Servelle et Steck. Les proportions et directions sont assez similaires à celles de la dernière topo en date (S.C.S.C -1978), seul le développement est surcoté : 900 m pour 706 m.
En 1964 le Spéléo-Club du Jura (SCJ) et J.C Frachon découvrent quelques boyaux latéraux sans prolongement.
Le Spéléo-Club SanClaudien lève un topo plus précise en 1978 et réussit à faire une trentaine de mètres supplémentaires dans la trémie de la branche Ouest. (Cottet, Grandmottet, Ferrari, Jacquier, Rouiller).
L’exploration de cette trémie reprend en 2000 (Gilotte - SCSC, Marichy - et Tissot) mais les difficultés de progressions rencontrées et les conditions d’engagement viendront à bout de l’équipe qui abandonne après 3 séances extrêmement pénibles. La suite semble pourtant bien être là…

Contexte géologique et hydrologique

Géologie :

La Baume de la Fraite se développe sous le plateau tabulaire de Soucia/Thoiria,. Ses galeries se sont creusées dans les calcaires du Jurassique supérieur (Kimméridgien), juste au contact avec les marno-calcaires de l’Oxfordien qui constituent la couche de base étanche. Ces couches d’argile gris sont d’ailleurs bien visibles en contrebas de l’entrée, juste au niveau d’une petite cascade.
On peut considérer la grotte de la Fraite comme l’exemple type d’une cavité creusée aux dépens d’un joint de stratification. En effet, le cours s’y est creusé un conduit de section régulière constamment dans le même inter strate, au contact des marnes imperméables de l’Oxfordien. Cette formation explique l’absence de dénivellation tout au long du parcours (4 à 5 m tout au plus) dans la mesure où la stratigraphie est sensiblement horizontale. D’autre part l’influence du creusement en interstrates se traduit par l’omniprésence de plafonds rigoureusement plats tout au long du parcours. Seuls quelques effondrements de la dalle supérieure viennent perturber l’homogénéité de cette voûte.
Contrairement à plusieurs grottes plus ou moins proches creusées dans les mêmes niveaux géologiques (Grotte de la Scie et du Piley à Claivaux ou le Gour Bleu à Doucier), la Baume de la Fraite semble n’avoir subi que peu d’influence de la part de la fracturation tectonique. Dans les cavités précitées, les galeries adoptent plusieurs orientations directrices qui ont formé une structure topographique en dents de scie ou mailles de filet. À la Fraite le cours de la rivière se dirige régulièrement sur un axe N-NO / S-SE. Seuls deux changement brusques de directions interviennent toutefois, d’une part à 30 m de l’entrée et d’autre part à 500 m dans le laminoir terminal de la rivière. Les deux fois les axes des galeries tendent vers l’est.

Remplissages :

Tout au long de la grotte d’importants talus d’argile forment des banquettes de part et d’autre de la rivière. Une reprise d’activité d’un petit affluent situé à 400 m de l’entrée a recoupé une de ces banquettes. Cette reprise d’érosion a mis à jour une remarquable coupe stratigraphique sous la forme d’une alternance de couches d’argile très fines et différemment colorées. Cette configuration résulte généralement de dépôts en eaux calmes qui pourrait correspondre à une longue période d’ennoiement de la cavité en régime sous-glaciaire. La grotte a sans doute été en grande partie colmatée par ces dépôts durant les phases glaciaires. La reprise d’activité de la rivière a ensuite recreusé son cours en période de fonte, laissant ça et là ce type de dépôts comme témoins du passé.
Les remplissages de galets sont quant à eux moins représentatifs, le lit de la rivière est principalement jonché de petits graviers.
Le concrétionnement est peu abondant dans l’ensemble, quelques stalactites sont visibles de temps à autre, alignées suivant les fissures du plafond. La calcite est également présente dans les secteurs effondrés où elle soude les blocs entre eux.
On peut observer en de nombreux endroits la présence de fossiles, au plafond, sur les parois ou sur les blocs effondrés (rhynchonelles, térébratules, radioles et fragments d’oursins).

Hydrologie :

Il semble que le plateau de Soucia/Thoiria et les versants est de la Forêt de la Joux suffisent à l’alimentation régulière de la rivière souterraine dont le débit passe de 10 l/s à l’étiage à 500 l/s en crue. A ce jour aucune expérience de coloration n’est venue préciser les limites du bassin d’alimentation.
Une croyance locale voudrait que la grotte de la Fraite soit une résurgence des infiltrations du lac de Clairvaux distant de 4 Kms. Cette hypothèse parait peu vraisemblable dans la mesure où le terminus de la grotte possède sensiblement la même altitude que le fond du lac.
Lors d’une visite de la cavité en période de hautes eaux une observation intéressante a pu être faite au carrefour des branches est et ouest. Avec un niveau d’eau « normal », seule la branche orientale est alimentée, or en phase de crue son débit reste sensiblement le même alors que le plus gros du courant provient de la branche ouest. Cette constatation tend à prouver que la suite principale se situe bien derrière la trémie terminale. On peut supposer que cet effondrement plus important que les autres ait obligé le cours eau à emprunter une dérivation latérale qui suffit à un débit normal. En période de hautes eaux la dérivation ne suffit plus, le niveau d’eau s’élève et déborde par la trémie.

Aspect sportif

Sans être une cavité de grande envergure la Baume de la Fraite mérite une visite tant par son côté aquatique que par sa géologie et les observations que l’on peut y faire.
Cavité purement horizontale, cette grotte ne nécessite aucun agrès particulier. Seul son aspect aquatique est à prendre en compte, d’une part en prévoyant une tenue néoprène complète ou non selon le niveau d’eau et d’autre part en s’informant des conditions météos du moment.
En quelques heures la rivière peut être gonflée par un simple orage. Le laminoir proche de l’entrée se retrouve alors noyé et bloque du même coup la sortie. La configuration de certains passages rendrait un éventuel secours en plongée très problématique, la prudence est donc de mise !

Bibliographie

réalisée par Jean-Claude FRACHON

A.ROUSSET & A.BINET - 1858 : « Dictionnaire Géographique et Historique des communes de Franche Comté » - Tome VI - p. 73
A.ROUSSET & A.BINET - 1863 : « Géographie du Jura » - p. 51
E.FOURNIER - 1923 : « Grottes et rivières souterraines » - p. 177
E.FOURNIER - 1928 : « Phénomènes d’érosion et de corrosion » - p107
B.LAMY - 1949 : « Bulletin de l’Association spéléologique de l’Est II » - p.4 et 94
B.LAMY - 1950 : « Bulletin de l’Association spéléologique de l’Est III » - p.2, p.58 et p.62
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M.AA.I.F. - 1957 : Guide touristique « Jura » - p.40
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J.COLIN - 1966 : « Inventaire Spéléologique du Jura - B.R.G.M. » - P.59
J.NICOD - 1972 : « Pays et paysages du calcaire » - p.78
JC.FRACHON - 1972 : « Bulletin de l’Association spéléologique de l’Est N°9» - P.132 et p.136
JC.FRACHON & Y.AUCANT - 1983 « Spéléo sportive dans le Jura Franc Comtois » - p 84-85-86 (topo)
S.C.S.C. - 1986 : « L’Echo des Cavernes N°32 / 35 » - p.15-20
CDS-39 - 1999 « Spéléologie dans le Jura - Tome 1 » - p.38-39

Baume de la Fraite - la topo